En 1984, l’usine Zündapp de Munich fermait ses portes. Dans les grands bâtiments situés dans le quartier Est de la ville, un groupe de quinze ouvriers chinois se mettait alors à l’œuvre pour tout démonter et tout emballer dans des caisses afin de préparer l’expédition vers Tien Tsin, ville située à une centaine de kilomètres au sud de Pékin. En effet, par le truchement d’une société sino-germanique de Düsseldorf, les Chinois venaient de se porter acquéreurs auprès du liquidateur, Eckart MuIler-Heydenreich, de tous les outils de production pour une somme de seize millions de Deutsche Mark, évinçant la société indienne Enfield India Ltd. de Madras (celle qui produit déjà une copie de la Royal Enfield britannique), ainsi qu'un groupe iranien. Le but des Chinois était de remonter chez eux les chaînes de production afin de réaliser des Zündapp qui seraient les copies con formes des modèles bavarois. Ils profitaient ainsi, sans développement préalable, de l’expérience d’une entreprise techniquement avancée.

Dans les années cinquante, les fabricants se comptaient par dizaines en Allemagne et, au début de la décennie, pas moins de quarante et une sociétés montaient les moteurs Fichtel & Sachs dans leurs parties cycles; on dénombrait même alors une trentaine de firmes d’une certaine importance; mais après la fermeture de Kreidler et le dépôt de bilan de Malco, Zündapp restait avec BMW la seule usine à faire vivre la grande tradition de l’industrie motocycliste allemande, la Zweirad Union étant pour sa part, malgré son dynamisme économique, une nébuleuse commerciale offrant un rapport moins passionné au public, tandis que les réalisations dues directement ou indirectement à Friedel Munch, à savoir les quatre cylindres à moteur NSU, produisaient à l’inverse une forte charge émotionnelle mais pas de bilan commercial digne d’intérêt. Avec le démontage organisé par les Chinois, se termi­nait donc l’histoire d’une société vieille de soixante-sept ans qui fut l’un des derniers bastions de l’industrie alle­mande du deux-roues motorisé.

       

Zündapp avait pourtant su être une affaire prospère et avait donné durant de nombreuses années l’image d’une industrie motocycliste saine et vigoureuse. A l’origine, la firme n’avait aucun lien avec les deux-roues. Elle avait été créée en Septembre 1917 par Fritz Neumeyer (le grand-père du dernier directeur), en association avec les sociétés Friedrich Krupp de Essen et Thiel Frères de Ruhla. Fritz Neumeyer avait alors quarante-deux ans et déjà une solide expérience des affaires, ce qui lui permit de sauver tout d’abord deux autres de ses entreprises, l’une à Nuremberg, l’autre à Munich, lorsque la défaite allemande fut consommée en 1918. Pour la Zünder-und Apparatebau GmbH également implantée a Nuremberg (c’est de cette première raison sociale que fut dérivé le nom définitif de la société, Zünd- et App- formant Zündapp), la reconversion fut plus difficile, car il faut dire qu’elle produisait spécifiquement pour l’armée.

Le redressement fut opéré à la fin de 1919 seulement, lorsque l’affaire passa aux seules mains de Fritz Neumeyer. Après les productions militaires, la société, qui prit le nom de “Zündapp Gesellschaft für den Bau von Specialmaschinen m.b.H.”, se consacra un temps à des fabrications diverses, en particulier, elle approvisionna des constructeurs automobiles en accessoires, plus spécialement en dynamos, et la mention “Specialmaschinen” se référait, quant a elle, a la fourniture de matériels bien spécifique a l’industrie de la bijouterie, traditionnellement implantée a Pforzheim, a la lisière nord de la Forêt Noire. On fabriqua aussi des machines a écrire, la tactique étant, en cette période d’immédiat après-guerre, de saisir ce qui se présentait afin d’assurer la survie de l’entreprise et le pain à un personnel déjà nombreux.

Fritz Neumeyer avait néanmoins un projet qu’il concrétisa a partir de l’automne 1921. Son activité dans l’accessoire pour l’industrie automobile le confirma dans son idée que l’avenir économique était a la motorisation, ce que la guerre venait d’ailleurs de prouver la traction mécanique y remplaça la traction hippomobile. Il s’agissait donc pour lui de s’inscrire dans ce mouvement naissant qui allait mener a l’équipement du plus grand nombre par un véhicule motorisé. La voiture automobile, malgré son important développement, apparaissait a cette époque comme un véhicule réservé a une catégorie sociale fortunée. C’est pourquoi Fritz Neumeyer eut l’idée de se tourner vers le deux-roues qui concentrait sur lui le même enthousiasme pour la motorisation, mais qui serait néanmoins accessible a un large public. Il s’agissait en fait de profiter d’un double effet qui se manifestait d’une part, le besoin de se déplacer, le désir d’accès a la mobilité dans un pays éprouvé par la guerre et où de nouvelles structures se mettaient en place d’autre part, l’engouement pour un objet qui, au-delà de son aspect pratique, présentait aussi une valeur sportive et moderne, puisqu’il concrétisait pour beaucoup l’accès a la technique, considérée avec euphorie comme symbole de progrès. Fritz Neumeyer ne faisait que prendre en compte les prémices d’un mouvement qui allait mener a la motorisation des masses en Allemagne, et que d’autres également avaient ressenti a la même époque, en particulier Friedrich Gockerell, dont le rêve était aussi d’équiper les Allemands de la “moto pour tous”, une Volksmotorrad avant la Volkswagen, une idée qu’il a développée durant de longues années. Le dessein de Fritz Neumeyer était identique, et sa première réalisation, la Z 22, en 1921, se voulait être cette “moto pour tous”.

Il s’agissait d’un monocylindre deux-temps en fonte, avec piston également en fonte, d’une cylindrée de 211 cm3 (62 x 70 mm) et a graissage séparé (Il convenait, au moyen d’une petite pompe, d’envoyer de temps a autre une giclée d’huile dans le moteur). La puissance de 2,25 Ch à 2600 T/mn n’avait rien que de très banal, tout comme l’alimentation par carburateur a boisseau ou l’allumage par magnéto placée devant le moteur. Un lourd volant d’inertie extérieur avait pour but de donner une certaine régularité au moteur qui entraînait directement la roue arrière grâce à une courroie. La partie cycle présentait un cadre assez bas en tubes d’acier manchonnés et brasés.

Le réservoir entre tubes était divisé en deux, le compartiment avant servant de réserve d’huile. Si l’arrière de la machine était rigide, l’avant était pourvu d’une fourche a biellettes dont toutes les motos n’étaient certes pas équipées a cette époque, mais néanmoins déjà largement répandue. La Z 22 connut du succès (1500 exemplaires livrés des 1922 et 5000 en commande) ce n’était toutefois certainement pas en raison d’un avantage technique décisif par rapport a la concurrence.

Une publicité de cette époque met en lumière ce que furent les atouts de la Z 22 (et de la Z 2 G qui était fondamentalement le même modèle, mais pourvue d’une boite de vitesses a deux rapports permettant plus de souplesse dans l’utilisation) : a côté de victoires sportives (mais qui ne sont pas déterminantes, car alors toutes les marques participent a une multitude d’épreuves en tout genre dont la portée est souvent régionale), la réclame présente “la moto pour tous” comme “d’un prix abordable pour les milliers de personnes qui ne peuvent envisager d’investir des sommes autrement plus importantes dans une machine de luxe ou une automobile, sans même évoquer les frais d’entretien qui en résulteraient. D’un point de vue économique, Zündapp est inégalé”.

Le mérite de Fritz Neumeyer a été de reconnaître ce dont les clients, a un moment donné de l’histoire allemande, avaient besoin et de leur fournir un produit de qualité, mais simple, sans fioritures, honnête en quelque sorte ; par une certaine ironie de l’Histoire, cette attitude commerciale représentera un demi-siècle plus tard la faiblesse de l’entreprise. Plus qu’au génie technique des ingénieurs, le succès des premières machines de Zündapp était dû a la bonne gestion réalisée par un homme qui décidait en maître chez lui (jusqu’au bout, la société resta une affaire de famille) et qui sut, sans splendeur mais avec habileté et opiniâtreté, faire prospérer une affaire dans des temps difficiles. Que l’on songe seulement aux affrontements politiques, aux troubles sociaux et à l’épouvantable période d’inflation qui avait fait grimper le prix d’une Zündapp, en novembre 1923 (quelques jours avant la stabilisation de la monnaie réalisée par le premier gouvernement Streseman), au niveau astronomique de 1200 millions de millions de Mark ! Si la somme n’a plus de sens en elle-même, elle témoigne néanmoins de la disparition de la référence habituelle, l’argent, dans les transactions commerciales.

C’est dans ce contexte particulier que Zündapp s’affirma, au lieu d’être emporté alors dans la débâcle comme des dizaines d’autres entreprises se consacrant au deux-roues.

Les modèles Z 22 et Z 2 G furent construits respectivement de 1921 à 1924 et de 1922 à 1924. En 1923-1924 fut produit un modèle Z 249 qui n’était en fait que la Z 2 G pourvue d’un moteur de 249 cm3 (62 x 82,5 mm) en place du 211 cm3. Le premier changement véritable s’effectua en 1924, avec la K 249, où le K est mis pour “Kette”, car la transmission se faisait désormais par chaîne. La boite de vitesses a trois rapports présentait un kick, une nouveauté, Ie démarrage s’effectuant jusqu’alors à la poussette. Le frein arrière de la Z 2 G, un patin dans la gorge de la poulie pour la courroie, a cédé la place à un frein à tambour. La fourche avant est toujours du même type, mais l’inclinaison est moindre et la forme du guidon a change : la corne de vache a été remplacée par un guidon plus bas qui oblige a avoir une position plus effacée. La ligne descendante du tube supérieur du cadre et la forme profilée du réservoir, toujours entre tubes, mettent la touche finale a une allure résolument sportive. Produite à la chaîne - une méthode de travail introduite chez Zündapp en 1924 - la K 249 fournit le 10.000ème exemplaire de motos à sortir des ateliers de la société, en novembre de cette même année.

En 1925 apparut une nouvelle machine que l’usine a souvent présentée comme la première expression de la volonté de rationaliser et de créer des valeurs durables par opposition aux constructeurs qui ne fabriqueraient que des éphémères. Le slogan de l’usine, “Zündapp zuverlassig”, c’est-à-dire “des machines sur lesquelles on peut compter”, renvoie aussi a cet aspect de durabilité qui a profondément influence l’image de marque que la firme voulait donner d’elle, et qu’elle a produite jusqu’à engendrer son propre échec. La dénomination de la nouvelle moto était EM 250, où EM signifie “Eingeitsmodell”, c’est à dire modèle standard. L’appellation même tend à faire naître l’idée de stabilité et de constance. Pourtant, la production ne dura que trois ans, jusqu’en 1928, en deux cylindrées différentes, 250 et 300 cm3 (EM 300), et si les 28000 exemplaires produits représentent un beau succès, il faut reconnaître que celui-ci est dû autant à la situation économique générale, favorable à la vente des deux-roues, qu’aux qualités particulières de la EM qui, pour être moderne, n’en était pas pour autant un modèle hors pair.

La conjoncture déjà favorable fut encore activée, en 1928, par la réglementation qui exonéra de taxes les machines jusqu’à 200 cm3 de cylindrée. Zündapp, qui n’avait pas de tel modèle à offrir a la clientèle, en réalisa un en trois mois et, des Juillet, apparut la Z 200, un deux-temps lui aussi classique, mais présentant néanmoins pour la première fois chez Zündapp un piston en alliage léger et un graissage par mélange. Tout comme la Z 300 qui suivit aussitôt, la Z 200 pouvait recevoir, au choix du client, un réservoir entre tubes ou un réservoir en selle, ressenti comme plus moderne.

Les affaires étant florissantes, la construction d’une nouvelle usine fut décidée à Nuremberg, et l’année 1929, celle où la terrible crise démarrait en Amérique, fut aussi celle où la production fut la plus forte dans les nouvelles installations qui faisaient de Zündapp l’un des constructeurs à la pointe du progrès technique. 25.000 unités quittèrent les chaînes de montage cette année-là, mais avec une répartition très inégale.

Même si la construction motocycliste connait toujours des pointes saisonnières, les écarts entre les deux semestres furent alors particulièrement marqués. Dès la fin de l’année, s’amorçait un mouvement de réduction régulier, si bien qu’en 1931, la production ne représentait plus que le quart de ce qu’elle avait été en 1929.

Malgré la crise, ou plutôt pour en limiter les effets, dans un effort réalisé pour disputer à la concurrence les clients devenus plus rares, Zündapp sortit alors la série S : S 200, S 300, S 350. Ces machines utilisaient un cadre identique dans son principe a celui de la EM, c’est-à-dire réalisé en profiles d’acier. Il s’agissait toujours de monocylindres deux-temps, quelque peu améliorés dans leurs performances, dont l’équipement était plus soigné et qui faisaient montre aussi de quelques particularités à visées plus commerciales que techniques, tel le freinage intégral sur la S 200 ou le guidon souple de la S 300. On ne peut nier toutefois le caractère performant de ces machines : c’est ainsi que la S 350, avec ses 11 CV, permettait d’atteindre les 100 km/h.

La crise eut également d’autres conséquences sur la production, puisqu’elle fit naître, en 1932, la plus petite machine produite jusqu’alors par la firme, la B 170, qui montrait pour la première fois un bloc moteur. A l’opposé, Zündapp avait dû envisager pareillement de produire de gros modèles équipés de quatre-temps, car il fallait faire flèche de tout bois. Mais comme on n’avait jamais fabriqué que des deux-temps, on préféra pour un début se tourner vers des spécialistes de ces moteurs, si bien que l’usine, en 1930-1931, monta dans ses parties-cycles des fabrications anglaises Python (nom sous lequel Rudge commercialisait ses moteurs), des culbutés a quatre soupapes développant 18 CV pour la version tourisme (S 500) et 22 CV pour la version sport (SS 500).

En 1932, seuls quelques initiés pouvaient se douter que la motorisation allait reprendre un essor formidable... si Adolf Hitler devenait Chancelier. Pour le salon automobile de 1933, qui devait se tenir a Berlin, Zündapp avait préparé toute une palette de nouveaux modèles qui n’étaient pas des prolongements des machines existantes pourvues seulement d’améliorations, mais qui rompaient réellement avec ce qui avait précédé. Il s’agissait là d’un énorme pan sur l’avenir, car si la crise avait duré, si les choix politiques n’avaient pas été aussi nets quant a la motorisation, il est douteux que les investissements eussent pu être rentabilisés. Lorsqu’après avoir été appelé aux fonctions de Chancelier du Reich par le Maréchal Hindenburg le 30 janvier 1933, Adolf Hitler visita le salon de Berlin douze jours après son accession au pouvoir, la cause était entendue. C’était le signe de l’intérêt qu’il portait au véhicule individuel l’effort de l’Etat en faveur de la motorisation des masses fut alors non seulement officiellement annoncé, mais les premières mesures concrètes furent prises immédiatement. Des lors, les choix de Zündapp s’avéraient judicieux. S’était-il agi uniquement d’inspiration ?

A Berlin, l’usine de Nuremberg présentait donc un programme complet dans lequel l’accent était plutôt mis sur les grosses machines, celles qui exigent du client un fort pouvoir d’achat.

L’utilisation du moteur anglais Python ne fut qu’un très court épisode. Les machines exposées au Salon, K 400, K 500, K 600 et K 800 étaient toutes équipées d’un moteur quatre-temps réalisé par Zündapp. De plus, il s’agissait de multicylindres, flat-twin pour la K 400 et la K 500, flat-four pour la K 600 et la K 800. Ces mécaniques à soupapes latérales, peu puissantes mais robustes, étaient accouplées à une boite de vitesses a quatre rapports totalement nouvelle elle aussi pour Zündapp, puisque c’était une boite a chaînes. Cette solution offrait, disait-on, plus de souplesse par rapport a des engrenages toujours en prise, comme sur la boite BMW. La transmission à la roue arrière se faisait par cardan et couple conique, une solution coûteuse mais qui garantissait un maximum de fiabilité et un minimum d’entretien.

Tout comme BMW à la même époque, Zündapp monte alors ses groupes propulseurs dans des parties cycles en tôle emboutie. Techniquement et esthétiquement, les produits des deux sociétés sont similaires. Au niveau de l’aspect, on note toutefois une forte différence au niveau de la fourche : BMW utilise un paquet de lames de ressort, tandis que Zündapp construit une fourche a parallélogramme soutenue par un gros ressort a boudin, et freinée dans ses mouvements par un amortisseur hydraulique sur certains modèles. La fourche télescopique hydraulique apparaîtra pour sa part chez BMW quelques années plus tard.

A côté de ces nouvelles machines qui misaient sur un avenir encourageant pour la motorisation, Zündapp ne rompit pas complètement avec le passé et conserva deux petits modèles dans son programme : la Derby 175 - véritable héritage de la période précédente - et la K 200. Ce sont là des deux-temps dans la tradition d’avant 1933, la K 200 présentant néanmoins, au niveau de la partie cycle et de la transmission, toutes les caractéristiques de la série K (cadre embouti, boite de vitesses a chaînes, cardan et couple conique) la Derby gardait sa boite classique a engrenages ainsi qu’une transmission par chaîne.

Leur but était de conserver la clientèle des petites machines, encore favorisées par la législation, car l’adaptation aux motos plus fortes ne se ferait pas sans période de transition ; d’autre part, il existe toujours un reste de clientèle attaché a ces machines peu coûteuses et peu lourdes, queues que soient les facilités accordées pour le passage a la catégorie supérieure. Il convenait donc pour Zündapp d’offrir, en cette période de changement, la palette la plus large possible, quitte a restreindre rapidement le choix en fonction des orientations prises par le marché. C’est d’ailleurs ce que fit bientôt l’usine, qui laissa au catalogue la K 400 et la K 600 une année seulement, en 1933, tandis que la production de la K 500 et de la K 800 se poursuivit respectivement jusqu’en 1940 et 1938.

Etant donné l’excellence des conditions provoquées par la mise en place du programme de motorisation des nationaux-socialistes, les affaires reprirent pour Zündapp, qui produisit plus de 7000 machines des 1933 (25 000 en 1929, au plus fort de la production 5000 en 1931), augmentant ainsi sa part de marché en Allemagne, ce qui prouve que, non seulement l’usine profitait de la reprise générale, mais qu’elle avait aussi mieux franchi la crise que la plupart de ses concurrents.

Des ajustements de programme furent nécessaires, ainsi la Derby (DB) 175 fut remplacée par un modèle de 200 cm3, la DE 200 (ou DL, où L signifie Luxe) produite jusqu’en 1935. Une 200 cm3 de sport, la OK 200, fit une courte carrière de quelques mois, sans rencontrer le succès commercial escompté. Il s’agissait d’un moteur quatre-temps à soupapes en tête installé dans la partie-cycle de la K 200. La K 200 elle-même changea de cadre en 1935, au profit d’une construction certes toujours en embouti, mais plus légère, devenant ainsi la KK 200, dont le moteur, légèrement modifié a la suite de recherches effectuées sur le balayage dans les deux-temps, gagnait un petit peu de puissance. Une polémique s’engagea d’ailleurs alors avec DKW, qui donna lieu a des procès, l’usine de Zschopau prétendant que Zündapp utilisait de manière illicite les résultats obtenus par le Professeur Schnürle et protégés par des brevets. La Derby pour sa part connut un dédoublement. A coté du modèle pourvu du cadre bien particulier qu’avait déjà connu la DB 175 - un hybride formé d’une partie forgée englobant la colonne de direction, de profiles en U pour la partie supérieure et de tubes d’acier pour les parties frontale et arrière - l’année 1935 vit apparaître une Derby DK 200, c’est-à-dire en fait le moteur de la Derby DE 200 dans le cadre léger en embouti de la KK 200. Ce modèle dura peu de temps, car lorsque le moteur de la Derby fut changé en 1935, le nouveau modèle prit l’appellation DB 200, et la machine sœur avec le cadre en embouti devint donc la DBK 200. Quand, pour l’exportation d’abord, puis finalement aussi pour le marché intérieur, fut créée en 1937 une Derby avec une cylindrée de 250 cm3, elle fut tout naturellement cataloguée comme type DB 250, le modèle a cadre embouti qui suivit quelques mois plus tard, en 1938, étant la DBK 250.

La DS 350, un monocylindre quatre-temps construit de 1937 a 1940, occupe une place un peu à part dans la production de Zündapp à cette époque. La machine est en marge à la fois de la lignée K et de la lignée D. A cette dernière, elle se rattache par son cadre qui, bien que particulier, est néanmoins identique dans son principe a celui des Derby, formé d’une association de tubes, pour l’arrière, et de tôle emboutie et soudée pour l’avant. A l’inverse de ce que présentent ces Derby, le moteur est un quatre-temps, mais d’une architecture différente de ceux des gros modèles K. C’est un monocylindre qui laisse apparaître curieusement à l’avant et à l’arrière, bien détachés du cylindre, deux tubes en biais, qui contiennent les tiges de culbuteurs. Ceux-ci sont situés chacun dans un petit boîtier comme surajouté a la culasse. la disposition rappelle les dessins aéronautiques, et ce n’est pas un hasard, car le DS 350 est contemporain d’études faites par Zündapp sur un moteur quatre-cylindres d’avion.

La lignée K, a coté de la K 350, un monocylindre deux-temps construit en 1935-1936 puis sous forme KK, c’est-à-dire avec le cadre léger en 1936-1937, fut surtout marquée par la création des modèles sport en parallèle aux modèles a soupapes latérales. La KS 500 était un flat-twin culbuté développant 24 CV à 5200 T/mn. Lorsque le moteur était monte dans le cadre léger, la machine prenait l’appellation KKS 500. Une nouvelle 600 cm3 fut également construite, destinée plus particulièrement a l’usage avec side-car, la KS 600. Son moteur, semblable a celui de la KS 500, présentait 100 cm3 de plus et 4 CV supplémentaires, pour un régime moins élevé se situant a 4700 l/mn. Cette KS 600, produite jusqu’en 1941, allait renaître après-guerre pour être à nouveau fabriquée en 1949-1950.

L’examen des chiffres de production de Zündapp dans les années trente, montre le fabuleux développement de la motorisation des masses. On passe de plus de 7.000 unités en 1933 à 9.500 en 1934. 1935 voit un doublement de la production avec 18800 machines sorties des chaînes. C’est d’ailleurs cette année-là que se situe Ie taux de croissance le plus fort. En 1936, seront fabriquées 24500 motos, et 27700 en 1937, ce qui en chiffres absolus marque un haut niveau, mais constitue aussi un plafond. Des le mois de mars 1939, entrent en application des mesures dirigistes qui freinent le désir d’expansion “civil” des entreprises, et en 1940, la fabrication pour les civils est arrêtée. Il faut toutefois avoir conscience que les affaires de Zündapp sont prospères pour une bonne part aussi grâce aux commandes de l’Etat. La firme de Nuremberg est en effet l’un des gros fournisseurs de la Reichswehr d’abord, puis de la Wehrmacht lorsque celle-ci remplace celle-là. Tout comme la R 12 de BMW, la K 500, la K 800 puis la KS 600 font partie des équipements les plus courants et forment la frame des bataillons motocyclistes. En 1938, les commandes de l’Etat concernant ces modèles représentent la quasi-totalité de la production, soit 25.600 machines en 1939, 22.700 unités et en 1940, 11.400. Il faut y ajouter également la DB 200, une machine légère qui a un usage plus conventionnel d’estafette.

Les grosses machines pour leur part servent certes en solo, mais aussi souvent attelées. Il s’agit de modèles très proches de la série dont la mise a conformité militaire se limite a des détails. Si l’appellation présente la lettre W, pour “Wehrmacht”, par exemple K 500 W ou K 800 W, il ne faut néanmoins pas se méprendre et en déduire qu’on serait en présence de machines spéciales. D’ailleurs, le manque d’adéquation de ces motos, et en particulier des attelages, aux nécessités de la guerre apparaîtra rapidement des que le conflit va s’étendre.

En réalité, le problème avait été ressenti par les responsables dès avant le début des hostilités. Lors des très nombreuses épreuves sportives de tout-terrain organisées a partir de 1933 pour les civils, mais plus encore pour les militaires, se faisaient jour les difficultés causées par l’emploi d’un véhicule dans des conditions pour lesquelles fondamentalement il n’avait pas été prévu. Certes, un attelage permet une utilisation très large, mais une machine conçue à l’origine pour un usage civil sur route se heurte à des limites qu’il n’est pas possible de repousser. Ainsi en était-il avec les K 500, K 800 et KS 600 de La garde au sol, du dimensionnement des différents organes et en particulier de La transmission, ainsi que des possibilités de chargement. C’est pourquoi, des le mois de Décembre 1937, une étude avait été entreprise. Il s’agissait de créer un nouvel attelage plus résistant que le KS 600, tenant compte de spécifications purement militaires, mais qui, dans son principe, restait néanmoins un attelage conventionnel, a savoir une moto solo accouplée a un side-car. Avec le second projet, qui compléta le premier a partir du mois d’Août 1938, le pas fut franchi dans la mesure où succédait a l’idée d’attelage traditionnel celle d’un attelage où la machine tractrice et le side-car formeraient un ensemble homogène grâce à l’entraînement de la roue du panier.

Mais à l’inverse des réalisations qui avaient déjà existé dans les milieux sportifs, la machine présenterait un différentiel et un dispositif répartissant le couple de manière a éviter le décrochement de la roue du side. De plus, il devrait être possible de bloquer le différentiel afin de provoquer une prise directe entre les roues motrices pour le passage de bourbiers. Les spécifications militaires prévoyaient également une possibilité de marche arrière, obtenue par une modification de la boite de vitesses, dont la conception à chaînes fut rejetée au profit d’engrenages.

Zündapp n’avait pas été la seule société à recevoir cette mission de développement pour l’armée. L’autre gros fournisseur de La Wehrmacht, BMW, avait parallèlement développé son propre produit d’après le même cahier des charges. Le Haut Commandement des Armées fit procéder à des essais comparatifs poussés dont il ressortit que l’attelage propose par Zündapp était bien supérieur au prototype de BMW. En particulier, le culbuté de Nuremberg donnait plus satisfaction que le 750 latéral de Munich.

Mais surtout le pont de la BMW restait bien en deca de ce que Zündapp avait créé. Avec une spontanéité que l’on a des difficultés à juger - était-ce un élan patriotique, ou bien l’expression de l’instinct commercial? - le directeur de Zündapp, Hans-Friedrich Neumeyer, se déclara d’accord pour que BMW copiât son attelage intégralement et sans ne lui devoir aucun droit. BMW refusa la proposition, mais fut invite par les autorités a adopter néanmoins le pont, le freinage hydraulique et l’idée d’un culbuté. Plusieurs réunions eurent lieu ensuite entre les responsables des deux sociétés, a l’initiative des militaires, afin de favoriser le rapprochement maximum dans la réalisation des deux attelages, ce qui fut considéré comme satisfaisant par le Haut Commandement le 6 Mars 1941. Les derniers essais lors de la procédure de réception eurent lieu du 10 Mars au 6 Avril 1941.

Si l’on connait surtout la BMW R 75, en raison de la politique de La firme qui a toujours su exploiter pour son image de marque les succès techniques du passé (quitte a se parer un peu des plumes du paon!), mais aussi parce que, pour des raisons de conception mécanique, le moteur de la KS 750, avec son embiellage forge d’une pièce et ses bielles a chapeau, pose plus de problèmes lors d’une restauration, il ne faut pas oublier pour autant que Zündapp a fourni la Wehrmacht en plus grande quantité que BMW 18200 exemplaires de la KS 750 contre 16.500 unités pour la R 75.

Les usines Zündapp furent éprouvées par la guerre, particulièrement lors de raids aériens dans les tout derniers mois des hostilités et lors de la prise de la ville par les Américains en Avril 1945. L’entreprise occupait alors environ 3500 ouvriers et employés qui se dispersèrent, les bâtiments et installations restant durant quelques jours sans aucun contrôle, ce qui favorisa certains pillages. Mais des que les gravats furent déblayés, la production reprit certes pas de motocyclettes, mais divers petits objets selon les besoins et les possibilités du moment, ainsi des pièces de chariot ou des presse-purée, le seul lien avec l’activité passée étant l’utilisation de quelques moteurs de 600 pour la réalisation de groupes électrogènes. La main-d’œuvre se situait alors autour de 170 hommes.

Cinq mois après la capitulation, une commission alliée quadripartite se réunit pour fixer les grandes lignes de la politique vis-à-vis de l’industrie du deux-roues. La première mesure fut d’interdire toute fabrication de plus de 60 cm3, la limite étant rapidement portée à 100 cm3. Quelques machines, il est vrai, furent assemblées a partir des stocks de pièces restants, mais elles n’étaient pas destinées a la vente libre. La première autorisation de construire une motocyclette de plus de 250 cm3 fut accordée a l’usine Horex, de Homburg, en 1948 seulement. A ces interdictions, s’ajoutait la menace d’un démontage des installations. Prévue sur tout le territoire de l’ancien Reich, cette mesure ne fut appliquée avec rigueur que dans la zone soviétique. C’est ainsi, par exemple, que la marque Brennabor, une entreprise certes modeste située à Brandebourg, renommée grâce surtout aux cycles de qualité et voitures d’enfant qu’elle fabriquait a coté  des motocyclettes, disparut totalement, parce qu’entièrement démontée par les Russes. Zündapp vécut un temps dans l’incertitude, car les démontages auraient dû également avoir lieu dans la zone américaine. Le nom de Zündapp apparut même sur la liste des entreprises particulièrement visées, tout comme celui de BMW, où les caisses d’emballage étaient déjà prêtes. Mais l’usine profita des tensions avec les Soviétiques et des hésitations des Occidentaux. Dans cet immédiat après-guerre, furent produits des équipements pour minoterie et des machines a coudre, la fabrication de deux-roues ne reprenant qu’en Août 1947, en renouant avec la DB 200 d’avant-guerre qui sortira des chaînes jusqu’en 1951.

1951 marque une année charnière pour le monde du deux-roues en Allemagne. Après une période où il fallut souvent vivre d’expédients, s’était développée une phase de reconstruction accélérée, rendue possible par l’élaboration d’une base économique solide grâce a la stabilisation de la monnaie réalisée en Juin 1948. En 1951, avec le salon de Francfort organisé sur un plan international, l’industrie allemande sortit des frontières du pays et se lança à la conquête des marchés mondiaux. Tout comme dans le domaine sportif, puisqu’elle venait d’être admise à nouveau au sein de la fédération internationale, l’Allemagne retrouva également son rôle dans le concert économique, favorisée sans aucun doute par les tensions est-ouest et la guerre de Corée qui s’était déclenchée quelques mois plus tôt, en Juin 1950.

Durant quelques années, l’expansion sera phénoménale, et Zündapp y aura sa part. Tandis que la série DB poursuit son existence avec des modèles places volontairement sous le signe de la continuité, apparaissent deux autres lignées qui marqueront leur époque, d’une part la KS 601, d’autre part le scooter Bella.

La KS 600, le culbuté d’avant-guerre dans un cadre rigide en embouti, était fabriquée a nouveau a partir de 1949, sans grandes modifications. La KS 601 représentait une nouvelle machine. La partie-cycle était tubulaire, la fourche télescopique, la suspension arrière coulissante ; les freins étaient en alliage léger et de gros diamètre. A nouveau la société Zündapp se retrouvait en concurrence directe avec BMW (R 51/3, R 67), a qui elle s’opposa dans le domaine sportif, en particulier dans la discipline du tout-terrain. La KS 601 s’illustra surtout comme machine attelée, et c’est sous cette forme qu’elle est entrée dans la légende, avec le surnom “éléphant”, une dénomination qui allait s’appliquer bientôt a un rassemblement qui devait prendre lui-même rapidement la dimension d’un mythe.

Cette période faste est marquée par la création de l’usine de Munich en Septembre 1950, car les installations de Nuremberg se faisaient de plus en plus étroites étant donné l’essor de l’entreprise. Une répartition des productions se fit, Munich assurant, dans un premier temps, la fabrication des machines à coudre, tandis que la place ainsi gagnée a Nuremberg permettait de développer là-bas la production des deux-roues. Mais des 1952, Munich se prépara à réaliser des mécaniques de cyclomoteurs, en premier lieu un moteur auxiliaire destine à équiper des bicyclettes.

L’idée de motoriser les bicyclettes n’était pas neuve ; des avant la guerre, existait déjà ce genre de véhicule, mais avec une cylindrée importante (98 cm3), un poids relativement élevé et une puissance faible. Le progrès technique ainsi que la réglementation, qui était devenue défavorable, obligèrent les constructeurs à reconsidérer le problème, si bien que le Salon de 1953 villa création d’un nouveau deux-roues, défini le 31 Juillet 1953 dans le paragraphe 67a du règlement concernant la réception des véhicules. Des limitations quant à la cylindrée (50 cm3), au poids (max. 33 kg), au diamètre des roues (mm. 580 mm à l’arrière) empêchaient que ne se développe une véritable petite moto. D’ailleurs, les constructeurs allemands de cyclomoteurs, au nombre de 29 en 1953, sentirent eux-mêmes le danger d’une évolution anarchique. Lors de la réunion de leur commission technique au sein de l’Association des constructeurs de cycles et de motocycles, en Mai 1954, ils prirent la décision de limiter volontairement leurs machines afin d’éviter d’une pant, les entraves à l’expansion qu’occasionneraient des mesure administratives qui ne manqueraient pas de toucher des cyclomoteurs trop performants (ainsi l’introduction d’un permis de conduire), d’autre part, l’augmentation des coûts due à une compétition technique effrénée. Il s’agissait en effet de soutenir l’extraordinaire diffusion du cyclomoteur qui se faisait alors en Allemagne, et a laquelle Zündapp participait activement.

Le caractère du deux-roues est à cette époque nettement utilitaire. On s’achète un deux-roues d’abord pour se rendre à son travail. C’est pourquoi en 1950, les possesseurs de deux-roues sont pour 59,4 % des ouvriers et employés ; en 1952- 1953, cette catégorie représente 75 % du total. La densité la plus faible de deux roues se situe dans les villes-états de Hambourg et de Brême, tandis que le Bade-Wurtemberg, et surtout la Bavière, où les réseaux de transport sont moins développés et dont la population est plus rurale, présentent la plus grande densité.

Ce caractère utilitaire explique aussi le succès du scooter, représenté chez Zündapp par toute la série des Bella à partir de 1953. Grâce à ses petites roues (12 pouces pour les Bella), le scooter rend possible une construction n’obligeant plus le pilote a être a cheval sur le véhicule, une position “sportive” qui, pour certains utilisateurs, peut apparaître comme un désagrément.

D’autre part le plancher et le tablier protègent efficacement contre la saleté et la pluie. Certains constructeurs augmentèrent le confort en proposant des modèles avec démarreur électrique. Enfin, l’aspect de propreté dû au carénage du moteur et la possibilité d’emporter une roue de secours étaient des arguments supplémentaires pour séduire.

Si l’on considère les chiffres de production de ces deux catégories de véhicules - cyclomoteurs et scooters - en Allemagne, on se rend compte que Zündapp a misé juste en fabriquant des 50 cm3 et le Bella. En effet, de 1950 a 1954, on constate presque un doublement des chiffres en ce qui concerne le scooter (1950 : 9.110 unités; 1951 : 18.846; 1952: 39.404 ; 1953 69.658; 1954: 111.934). Pour le cyclomoteur, la progression est encore plus forte (1952 : 22.980 unités ; 1953 : 123.568 ; 1954 : 447.891 ; 1955 : 779.145). Cette évolution toutefois a un pendant négatif, car le développement du scooter en particulier se fait aussi aux dépens de la motocyclette.

En considérant la production allemande de motos dans la première moitié des années 50, on constate qu’elle décroît avec l’accroissement de celle du scooter, passant de 351.383 unités en 1952 (année de la plus forte production) à 333.392 unités en 1953, 259.579 en 1954 et 165.663 en 1955. Zündapp mêmes les mêmes problèmes que les autres constructeurs allemands a cette époque, car il ne s’agit pas d’un problème d’entreprise mais d’un changement de société.

La production moto décline et tous sont conscients que l’usine devra envisager la fin de la fabrication de grosses cylindrées, même si des efforts sont faits pour repousser l’échéance ; ainsi est créée, en 1956, la KS 601 Elastic, une KS 601 avec un bras oscillant a l’arrière et destinée a l’exportation vers les USA, mais elle ne restera au catalogue qu’une seule année ; de même la 250 S, également sortie en 1956, ne put empêcher l’évolution négative, et elle fut la dernière machine de cylindrée encore importante (pour cette époque) à être produite par l’usine.

La concurrence provoquée par le scooter n’est pas la seule cause du déclin de la motocyclette. Il faut considérer un autre phénomène qui ne fait alors que s’amplifier et dont l’aspect progressif est nettement marqué. Il s’agit du passage de la clientèle a l’automobile. Curieusement, il existe en Allemagne une étape intermédiaire qu’on ne reconnaît pas dans l’évolution telle qu’elle a eu lieu en France. Outre-Rhin, la recherche du confort autour du scooter mène a inventer bientôt une carrosserie complète pour cet engin. Ainsi apparaissent les scooters à “Kabine”, qui conservent la mécanique, les roues, les accessoires des scooters (même pour certains le guidon !), mais qui ont de l’automobile la carrosserie fermée, les vitres et la stabilité grâce à une troisième, voire une quatrième roue.

Ces productions sont le plus souvent le fait de sociétés déjà engagées dans le domaine du deux-roues. Ainsi Heinkel, dont les scooters étaient parmi les plus prisés sur le marché, utilisa ses propres mécaniques pour construire en 1956-1957 une “Kabine” très semblable a l’Isetta, pour laquelle BMW, de son côté, employait un moteur de moto R 25 de 250 cm3, ce qui représentait déjà une cylindrée importante pour ce genre de véhicule. Une autre marque connue est Messerschmitt, dont le lien d’entreprise avec le deux-roues est moins direct, mais qui constitue en fait une exception.

Techniquement toutefois, le rapport au deux-roues est étroit, puisque la mécanique provient de Fichtel & Sachs, que la suspension arrière des premiers modèles est constituée d’un bras oscillant qui fait fonction de carter de chaîne et que les roues de 8 pouces sont de scooter. Ce trois-roues était encore très proche d’un deux-roues, esthétiquement aussi, puisqu’il n’avait pas de portes latérales (il fallait faire basculer le haut de la cabine pour pouvoir monter), et qu’il offrait deux places en tandem. Zündapp allait pareillement produire un véhicule bizarre qui, bien qu’il ressemblât à une voiture, était encore un véhicule hybride. Alors que les ventes de motos s’effondraient, que les “Kabines” et autres “très petites voitures” connaissaient un fort succès, on se rendait compte chez Zündapp que la seule fabrication de motos ne pourrait plus permettre à l’entreprise de fonctionner correctement.

On rêvait certes de produire une véritable automobile, un modèle de sport quatre cylindres a arbre à cames en tête, de 1 à 1,5 l de cylindrée, mais il ne dépassa pas en fait le stade des essais. En revanche, on construisit a partir de Mars 1957 la Janus, pourvue d’un 250 cm3 deux-temps monte en position centrale, si bien que les deux banquettes - et les occupants - se retrouvaient dos à dos. Si la suspension et la tenue de route étaient bonnes, le moteur néanmoins était trop faible, le bruit trop gênant et la disposition peu orthodoxe moyennement appréciée des passagers arrière qui disposaient de leur propre portière frontale pour accéder a leur banquette.

En fait, la Janus arrivait déjà trop tard, a une époque où les “Kabines” et les “très petites voitures” commençaient a se vendre moins bien. Sa présentation trop peu “automobile” ne permit pas à Zündapp d’opérer une reconversion, telle qu’elle fut réussie par NSU, dont la Prinz, certes très petite, mais véritable voiture, assura la survie de l’entreprise.

En 1958, le sort de Zündapp fut scellé. Les installations de Nuremberg, consacrées à la fabrication moto et a la Janus furent liquidées, le repli s’opérant sur Munich, où étaient produites les machines à coudre et surtout les 50 cm3. Ce déménagement n’alla pas sans une politique de rationalisation, c’est-à-dire d’abandon de modèles qui n’étaient plus rentables. C’est ainsi que la production de la KS 601 fut mise en extinction, ce qui a valeur de symbole, car c’est le renoncement de Zündapp aux grosses cylindrées. Il était clair également que les modèles dont la fabrication fut reprise a Munich après modifications étaient en sursis. En 1963-1964, furent produites les dernières 175 et 250 Trophy S, ainsi que les derniers scooters Bella.

Partie II

 

Zündapp avait fait le choix du 50 cm3 (La fabrication des machines a coudre fut cédée en 1960). Ainsi s’établissait entre les anciens grands constructeurs une répartition du marché NSU se tournait vers l’automobile, BMW conservait le monopole des grosses cylindrées avec des modèles qui seraient construits sans modifications importantes jusqu’en 1969 et vendus aux administrations, Horex disparaissait totalement. Il faut noter en marge que Maico, qui ne comptait pas parmi les grands, arrivait a survivre en occupant le créneau réduit de la machine de sport, et en particulier de tout-terrain. Zündapp, en se consacrant au 50 cm3, n’avait toutefois pas une situation de monopole, et il lui faudrait lutter a la fois contre Kreidler, une entreprise souabe très dynamique dans ce secteur, ainsi que Hercules, rattaché au groupe Fichtel & Sachs et disposant donc d’une base très solide.

Le repli de Zündapp sur la petite cylindrée ne devait nullement signifier un manque de dynamisme. On a évoqué l’aspect de concurrence sur le marché allemand, qui interdisait tout assoupissement. A l’étranger, Zündapp avait a lutter aussi contre de puissants producteurs, italiens et français en particulier, mais également autrichiens comme Steyr-Puch et KTM. En France, l’usine de Munich fut confrontée a une législation qui défavorisait par trop certaines de ses productions, inclassables chez nous. Les “Mokick” et “Kleinkraftrad”, spécialement destinés aux jeunes d’outre-Rhin, avaient le choix, en passant la frontière, entre deux existences administratives soit comme cyclomoteurs (avec des pédales, vitesse limitée), mais cela revenait a diminuer considérablement les possibilités de La machine, si bien que le prix a payer pour ce beau petit véhicule devenait sans rapport avec l’usage impose ; soit comme vélomoteur, c’est-à-dire une moto de moins  de 125 cm3, mais alors le handicap de cylindrée se faisait par trop sentir comparativement a une vraie 125. Cette position bâtarde empêcha le développement de Zündapp en France.

Outre l’aspect de concurrence, le goût de l’avancée technique et de la qualité fut un autre facteur de dynamisme. Zündapp a toujours mis en relief l’aspect de fiabilité de ses produits, un mot qui est d’ailleurs toujours resté dans le slogan publicitaire de la société, bâti sur une allitération : “Zündapp zuverlassig”. Des le milieu des années 50, les techniciens de l’usine s’étaient tournés vers les alliages légers pour la construction des cadres, composes d’un tube supérieur principal en acier, porteur du moteur, et d’une importante partie arrière coulée sous pression. De même les carters, les cylindres et, a partir de 1976, les roues à bâtons étaient produits a l'intérieur de la société, Zündapp s’étant dote de machines très modernes pour ces opérations de coulage sous pression. Le choix de matériaux nobles comme l’aluminium en place de la tôle d’acier était une option de qualité dans le temps, l’une des composantes de fiabilité étant la durabilité, si chère aux pères de l’industrie allemande.

Le dernier élément qui entretint le dynamisme de la société munichoise fut l’esprit sportif, issu également d’une longue tradition. Si Zündapp, jusqu’à une époque très récente, ne s’est pratiquement jamais intéressé aux courses de vitesse, il faut noter néanmoins l’existence d’un tel attelage, a compresseur, juste après la guerre, sur la base des modèles KS. Construite par un privé, cette machine reçut toutefois le soutien de l’usine. En revanche, l’engagement a toujours été important d’abord dans les épreuves de régularité, puis d’une manière générale, en tout-terrain. Sans même évoquer La période de l’avant-guerre, où ces épreuves ont presque le caractère d’un devoir national, on constate que la KS 601 a remporté plusieurs fois le championnat d’Allemagne de régularité catégorie side-car. En trial aussi, au début des années 60, furent réalisées des machines d’usine utilisant des parties cycles spéciales et des moteurs modifies de Trophy 175 S et 250 S plus spécialement sur l’enduro et le cross, les succès avaient été nombreux, en particulier avec une longue suite de victoires en championnat d’Allemagne.

Zündapp ne fut pas non plus avare de ses deniers et de ses efforts en épreuves de régularité. L~ aussi, l’engagement se fit avec des machines spéciales. On utilisa pour une part des moteurs de Trophy 175 S et 250 S dans des parties-cycles sur mesure ; pour la catégorie 50 cm3, créée en 1959/1960, on développa une machine complète. Au cours des ans, on couvrit toutes les catégories jusqu’a 175 cm3 et on connut deux moments forts : d’une part, les Six Days 1968 à San Pellegrino, en Italie, où l’équipe d’Allemagne fédérale, exclusivement équipée de Zündapp 50, 75, 100 et 125 cm3, remporta le Trophée National ; d’autre part, la 50ème édition des Six-Days, en 1975 sur l’Ile de Man, où les Munichois réussirent a mettre un terme a cinq années de domination tchécoslovaque (Zündapp renouvela son succès en 1976).

Ces victoires, acquises avec des machines d’usine, firent certes bénéficier le constructeur d’une haute considération dans les milieux sportifs, mais qu’en était-il des retombées commerciales ? Toujours soucieux de qualité, Zündapp proposa a la vente des “replica”. Il s’agissait donc de véritables machines de compétition (cross et enduro) destinées a être utilisées comme telles. C’est dire que la diffusion en était nécessairement réduite puisqu’elles s’adressaient a un public très ciblé, dans un créneau étroit. On est donc en droit de se demander si l’effort important fourni par Zündapp en compétition avait sa raison d’être, puisqu’il valorisait un produit qui ne concernait pas directement La clientèle principale, a savoir les jeu­nes qui n’ont pas encore accès a l’automobile. Il en va autrement des tentatives de records de vitesse sur l’autodrome de Monza en Mai 1965, où il s’agissait de démontrer qu’un 50 cm3 de la mar­que pouvait rouler très vite pendant longtemps (c’est-à-dire que la démonstration de La vélocité ne devait pas faire oublier l’image de marque de fiabilité). Zündapp établit les records suivants : 100 km a 162 km/h de moyenne, 1000 km a 146,6 km/h, 12 heures a 137 km/h. Ces performances pouvaient être utilisées pour promouvoir les “Kleinkraftrad”, ces vélomoteurs de 50 cm3 qui sont de véritables petites motos conduisibles des 16 ans et qui sont le rêve des jeunes. D’ailleurs, des le début des années 60, ces machines portent l’appellation KS 50 Super, puis plus symptomatiquement encore, KS 50 Sport et Super Sport afin d’établir dans l’esprit du client une filiation avec les vraies machines de compétition. En revanche, les succès en tout-terrain furent mal exploités. Certes, il a bien existé une KS 50 dite Cross et présentant l’aspect d’une machine tout-terrain, mais elle ne fut produite que de 1972 a 1976.

Les choix commerciaux de Zündapp n’ont pas été très heureux. Durant des années, la firme a investi pratiquement a fonds perdus en entretenant des pilotes de talent et un matériel de haut niveau dans un domaine qui offrait peu de débouchés. Les difficultés rencontrées par la société ont plusieurs causes. D’une part, celle déjà évoquée de machines tout-terrain trop spécialisées, c’est-à-dire que Zündapp fut en quelque sorte trop honnête en offrant a la vente des machines correspondant exactement a leur définition, alors qu’il eût peut-être été plus rentable commercialement de faire prendre des vessies pour des lanternes, comme cela s’est fait depuis avec les trails, et de vendre des machines bâtardes a l’efficacité réduite, mais qui offraient au client une bonne part de rêve ; en deuxième lieu - et il s’agit là d’un problème spécifique a l’Allemagne fédérale - il était difficile d’utiliser ces machines en dehors des compétitions officielles dûment déclarées, car en RFA, il est strictement interdit de rouler à l’écart des routes asphaltées, si bien que la “moto verte”, avec laquelle une escapade occasionnelle est possible en terrain vague, perd ainsi tout sens ; enfin, Zündapp fut aussi trop en avance sur son temps, produisant une grande partie de son effort à une époque où la moto verte, utilisée uniquement en ville, n’était pas encore à la mode.

A cette erreur concernant le domaine promotionnel s’est ajoutée une maladresse quant aux choix esthétiques. Là aussi, Zündapp a été victime de son souci de la qualité en privilégiant ce qui était sûr, éprouvé, fonctionnel et en rejetant le tape-à-l’œil racoleur. Durant des années, la firme s’est complu dans un style classique, souvent perçu par les jeunes comme “ringard”. Ainsi, le réservoir a toujours été un bidon pose sur le tube supérieur du cadre, tandis que les garde-boue étaient destinés uniquement a protéger de la crotte. On ne note aucune recherche de style, on ne relève pas de formes audacieusement nouvelles, on ne trouve point de solutions techniques inutilement sophistiquées. Ce défaut d’imagination pouvait se constater au niveau de La publicité qui, dans les dernières années, retrouvait inlassablement les mêmes formulations et reproduisait des photos sans cesse identiques avec toujours les mêmes personnages (en particulier quelque bellâtre en compagnie de jeunes personnes très dénudées) posant de manière fort peu naturelle. Sans doute les responsables de la firme pensaient-ils que la qualité de leurs produits s’imposerait d’elle-même et envisageaient-ils la publicité comme une tâche mineure.

Avec la renaissance de la moto dans les années 70, Zündapp aurait Pu avoir une chance de sortir de ce créneau des toutes petites cylindrées auquel la firme n’était pas parfaitement adaptée. Lors du Salon de Cologne, en 1976, fut présentée une 175 a refroidissement liquide qui n’était en fait qu’un développement de la 125, afin d’exploiter au mieux le changement dans la réglementation allemande. Celle-ci venait en effet d’abandonner la notion de cylindrée au profit de celle de puissance. En fait, IL n’y avait pas là de modification sensible de l’orientation générale. Le vrai changement se situait au niveau d’un prototype, également présenté au Salon de 1976. IL s’agissait d’une 350 deux-temps refroidie par eau, à boite six vitesses, d’une puissance de 27 CV DIN, d’un fini irréprochable en ce qui concerne le prototype exposé, et qui aurait certainement pu faire jeu égal avec les Kawasaki trois cylindres KH 250, Suzuki GT 250 Ram Air ou Yamaha RD 350 que les Japonais commercialisaient alors. La seule différence, c’est que les Japonais étaient déjà sur le marché, et qu’il aurait fallu attendre encore presque deux ans pour pouvoir se porter acquéreur de la Zündapp, dont la livraison au public était prévue pour Juin 1978. D’autre part, la machine allemande aurait été trop chère par rapport à la concurrence japonaise, si bien que le prototype ne passa jamais en série.

Zündapp ne sortit donc pas du créneau des petites cylindrées, mais il semble que la firme ait fini par comprendre que la promotion du produit était tout aussi importante que ses qualités propres. C’est pourquoi elle décida au début des années 80 de se lancer dans la compétition de vitesse en catégorie 80 cm3, et d’exploiter au maximum pour ses ventes cette nouvelle image de l’entreprise la dernière KS 80 Super Sport fut esthétiquement la réplique des machines de grand prix. Mais derrière cette brillante façade - les deux pilotes officiels Darflinger et Abold prenant les deux premières places au championnat du monde - les affaires marchaient mal. IL n’était plus possible de sauver une entreprise que des choix discutables et une situation économique défavorable avaient menée à son terme.

Michael Krauser, dont l'engagement sportif semble sans limite, reprit à son compte l'équipe de Grand Prix. Les chinois rachetèrent les outils de production. Depuis 1984, Zündapp a disparu.

FIN

Marc MUYLAERT